18 ans. L’année du service militaire.
Mécanicien de profession, Jules est affecté au service des transports, à Bruxelles. Il n’y restera que quelques mois... le temps de faire la connaissance, dans la même chambrée, de « Bentley » – pseudonyme de Guy Hansez, pilote très à l’aise sur les circuits sinueux et qui courait principalement sur Gillet - qui entretient son rêve en lui contant des récits de courses.

Recruté dans l’équipe nationale de football de sa sélection, Jules Tacheny y est malheureusement victime d’un accident sur la pelouse et les dégâts à son ménisque entraîneront une démobilisation immédiate. Il est réformé. Les conséquences de cet accident sont capitales : Jules ne terminera pas son service. Il ne fera jamais la guerre.
Mais il est désormais convaincu que son avenir est sur une moto et plus dans un stade. Encore moins au fond d’un garage !

Il rentre à Mettet, achète une 350cc F.N. - M 60 - qu’il transforme pour marcher à l’alcool ( !!) et rejoint son Club avec une idée fixe : tenter sa chance comme pilote de courses.

Jusqu’alors, Emile, le père Tacheny, n’a pas encore compris ce qui se trame.
Voir son fils pétarader dans le village avec ses amis du Club ne l’inquiète pas vraiment. Quelques semaines plus tard, pourtant, à l’insu de son père, Jules est inscrit, par le secrétaire de son club, pour défendre les couleurs de l’Union Motor, à la très officielle – et très réputée – course de Sorinnes, sur les hauteurs de Dinant.

A cette époque, les courses sont épiques à tous égards. Les machines, sans fourche télescopique, sans suspension arrière et avec des freins plus qu’approximatifs, n’offrent que très peu de sécurité. Il n’est pas rare qu’elles tombent en panne. Perte d’huile, pneu crevé, bougie défectueuse…

Un point du règlement est formel : Le pilote a le droit de réparer sa moto en-dehors du stand, pour autant qu’il n’utilise que les outils et pièces de réparation qu’il a emportés au départ. Les motards se trimballent donc avec une clef à molette dans la botte, un ou deux pneus autour du cou et des bougies plein les poches.

Trois catégories distinguent alors les pilotes : Juniors, Seniors et Experts.
Quels que soient leur expérience et leur âge, les mécaniciens, du fait de leurs connaissances présumées, devaient s’inscrire d’office comme Seniors. Jules est apprenti mécanicien. Il devrait donc s’aligner comme Senior. Mais sa jeunesse, son inexpérience et le peu de moyens dont le club dispose pousse le secrétaire, Fernand Dogot, à le faire passer pour… électricien afin de l’inscrire comme Junior.

Contre toute attente, Jules gagne – toutes catégories confondues ! - et est aussitôt disqualifié, suite à la dénonciation de la supercherie par l’équipe perdante, l’écurie « Breslau ».
L’épisode aurait pu rester anecdotique.
Sauf qu’au retour au village, la victoire fait du bruit.
Et c’est ainsi que le père Tacheny va apprendre les deux nouvelles en même temps :

« Ton fils a gagné ! Mais il a été disqualifi酠».

Emile voit rouge. Il s’empare aussitôt d’une hache pour détruire l’objet de tous les dangers. La moto est introuvable... cachée sous un tas de fagot à quelques centaines de mètres de la maison. Le père a peur pour son fils. « C’est un sport de fous ! » Mais Jules n’en démord pas. Et au village, tout le monde en parle ! Emile se laisse finalement convaincre et abdique face à la ténacité de son fils. Malgré l’anxiété qu’il éprouvera toujours, c’est d’accord, il va l’aider.

Le Club de l’Union Motor compte désormais un pilote en son sein.
Et le talent de Jules va agir comme un véritable catalyseur. Le Club concentre désormais ses efforts sur l’organisation d’un Grand Prix de vitesse. Ses membres ont assisté aux courses voisines et ils ont vite compris l’intérêt des courses sur circuit fermé. Le public accroche et avec un pilote local, la ferveur s’installe. Mais pour cela, il faut un endroit où, pilotes et machines pourront donner le meilleur d’eux-mêmes.

« Entre Biesmerée et Mettet, il y a, en construction, un petit restaurant, une espèce de havre tentateur, discret et accueillant au possible… Pourquoi faut-il qu’il se perche là… précisément à cette croisée des chemins… L’heureux propriétaire n’a pas de moto… Il ne se doute pas, ce petit chalet si simple… qu’il va se faire une réputation mondiale… C’est le café de St Donat ! »

15 Août – 1er Grand Prix de l’Entre Sambre et Meuse
Première épreuve de Mettet reconnue par la Fédération Motocycliste Belge (FMB), la course se déroule sur la petite boucle de St Donat. Le circuit a l’inconvénient d’être trop petit (2 km.800), entend-on dire, partout dans le monde des engagés.
Des haut-parleurs sont montés. Un cinéaste vient même filmer. Le temps boude… et nous pouvons aussi dire : ce sera de tradition…

Les résultats :

  • Delcourt : 1er junior 600cc.
  • Malotteau : 1er junior 350cc.
  • Breslau : 1er senior 600cc.
  • Mawet : 1er senior 250cc.

    Le record du tour: Bentley (le compagnon de chambrée de Jules au service militaire) 1’ 52, à 90 km/heure, la vitesse d’un aéroplane de l’époque !

    La presse émettra cet avis flatteur :
    « La cause est maintenant jugée, une épreuve de vitesse pure sur circuit fermé est une manifestation sportive réellement intéressante pour laquelle la foule se passionne d’emblée.
    Il n’est pas possible, il n’est PLUS possible qu’on se désintéresse du travail et des efforts de l’Union Motor, on sent maintenant que ses buts sont de nous doter d’une épreuve que bien des endroits plus importants nous envient et qu’il serait maladroit de ne pas encourager. »