Le 6e Grand Prix de lEntre Sambre et Meuse, cette année là, était à ranger parmi les courses « aquatiques ». Milhoux gagne la course des 350cc. Le circuit est à ce point détrempé que les spectateurs ont déserté les abords de la piste, se réfugiant, qui dans les voitures, qui sous les buvettes. Bizarre, cette course « fantôme », où les pilotes semblent seuls.
« Mais le plus curieux, cest quune fois la course des 350 cc finie, sitôt que salignèrent les 500, la foule inexistante linstant davant jaillit en un instant de partout
La pluie nen tombait pas moins fort et pourtant chacun quitta sa cachette.
Ce fut merveille que cette apparition mystérieuse, comme à un coup de baguette magique, dune armée de spectateurs, là où, linstant davant, il ny avait pas un visage à voir.
Tous avaient retrouvé, pour le départ des 500, vie, ardeur, intérêt. Les plus ravissantes personnes pelotonnées jusqualors dans les conduites intérieures risquèrent à la pluie leurs fragiles parures et leurs beautés
Quels compliments pour Demeuter, Noir, Tacheny, Grégoire !...
Cet attrait irrésistible pour la bataille des champions fut bien récompensé. Si Grégoire, dont le moteur oublia de partir, renonça immédiatement à toute figuration, Demeuter et Noir avancèrent de suite à fond de train
Mais précédés par Tacheny, celui-ci, devant ses compatriotes, sur son circuit, se sentait des ailes plus vibrantes encore que dhabitude. Durant un tour, il emmène le lot. Demeuter le passe au tour suivant et en pleine vitesse, se retourne sur sa machine, malgré la route glissante, pour juger de son avance. Celle-ci augmente irrésistiblement, mais Noir bientôt précède Tacheny.
Et lordre des positions se dessine ainsi.
En tête, Demeuter, bouillant, scientifique, un expert au mieux de sa forme.
Second, Noir, endiablé, ne freinant quà la dernière limite, frôlant la culbute à chaque virage.
Troisième, Tacheny qui roule comme un démon.
Quatrième Poncin qui montre du grand style.
Cinquième, ceci est à la fois surprenant et très beau, cinquième et très proche, Riquet, le Junior de lan dernier qui lutte sauvagement contre les éléments et montre une belle classe dans ses freinages, ses virages, sa tenue en vitesse.
Demeuter ne ralentit pas un instant. Noir, qui veut « tenir », multiplie les folies et au septième tour, un virage effarant se termine par un dérapage dans un sens, puis dans lautre
Noir glisse sur le sol
et se relève sans mal
Un homme en caoutchouc.
Par après, cest le tour de Tacheny dabandonner, son moteur se détachant du cadre et la moto faisant des pirouettes
Demeuter ayant bien gagné la première place, ne veille plus quà la défendre contre Poncin qui ne faiblit pas un instant.
Riquet, fatigué, bientôt anéanti par la lutte contre le temps, se laisse passer par Hublet et termine au ralenti.
Mais un soleil splendide
après la pluie le beau temps, illuminera larrivée de Demeuter, le grand vainqueur, fêtant ainsi le triomphe des organisateurs de Mettet qui poursuivirent de bout en bout leur travail, sans un accroc en dépit du temps désastreux ; trempés, regagnèrent leur logis pour y parler encore, la soirée entière, de Noir, de Demeuter, de Tacheny
enfin de tous ceux qui furent les vedettes du Grand Prix 1933.
« - Laisance de Woods qui se promène autour du circuit tout en battant les records, avançant sans effort, regardant de tous côtés comme s'il faisait du tourisme, ou dépassant en trombe un concurrent en plein freinage et puis virant sans difficulté; dérapant et frôlant arbres, pont, clôture, et se rattrapant, presque sans ralentir avec un sourire.
- Les sprints de Demeuter, le plus fin des Belges et un grand tacticien.
- Les virages d'une adresse inconcevable de Dodson.
- Les audaces de Tacheny, l'enragé à qui rien ne paraît trop osé.
- La chasse que Hunt livre à Woods avec de multiples effets.
- L'effort sérieux et tenace de Grégoire, notre champion: l'as de Francorchamps
- Les manuvres de Tyrell Smith qui, d'un seul S dépasse deux concurrents.
- L'acharnement de Rénier, le plus jeune, de tous malgré son âge et le plus stupéfiant acrobate sur le circuit.
- Le match poursuite de Simpson et Guthrie.
- Les élégances de Handley.
- Les courses consciencieuses de Poncin, qui termine presque à coup sûr.
- Et de Milhoux, ce savant de l'hygiène des moteurs.
- Le visage pur de Notet
- Et le train de Goor, qui vient de gagner le T. T. hollandais. »
Voici les dernières secondes dattente
Cest dune voix de stentor que M. Marcellis les compte, debout sur le mur de sacs de pierrailles. Tout le bataillon de coureurs est prêt. Seul, au premier rang, Woods attire tous les regards.
Où sont nos principaux représentants ? Noir est au troisième rang, au centre ; Tacheny au quatrième, à lextrême gauche et Demeuter au dernier à droite. Au second rang de la troupe des 350, Milhoux et Collette sont séparés par Reinbergen. Nous voyons briller plus loin le casque doré de Dickwell, et Vieyra, arrivé trop tard au pesage, est, comme en pénitence le tout dernier
Quand le drapeau tombe, à ce moment où la masse des coureurs en mouvement est encore silencieuse, une voix jette du stand F.N. un vibrant « Allez Demeuter ! », auquel répond le ronflement du moteur... Le pilote bondit en avant, rasant les stands, dépassant par la droite les Hollandais Houtop et Vaasen, puis traversant toute la largeur de la route dun vif coup de reins, cest par lextrême gauche quil passe Fijma et, sétant faufilé ainsi en tête du peloton, il saccroche à Woods quil suit à lancienne douane.
Et tout le peloton des coureurs défile à grand bruit, le brave Motomans fermant la marche, avec sa sacoche à outils et son éternelle burette en bandoulière et laissant en plan (il ny a pas dautre expression) le Français Pirard, vision écarlate (moto et chandail) qui se décide à abandonner avant même dêtre parti. Cest ce qu'il avait de mieux à faire).
Pendant ce temps, le long serpent des machines glisse rapidement le long de la côte. Il en passe. Il en passe toujours
. Il en vient encore.
La course des 500 cc.
Cest avec raison que M. Lenoble écrivait récemment que le départ dun Grand Prix de Belgique est un spectacle tel que limpression en dure encore au retour des concurrents
Les premières minutes ne durèrent quun instant. Le temps pour chacun dévacuer la piste, de gagner son poste ou bien la place choisie, en accompagnant en pensée les concurrents roulant maintenant à plein tube
et quemmène Woods.
Cest que lopinion anglaise a été piquée au vif dapprendre que les Norton ont été tenues en échec à Assen par Demeuter et à Dieppe par le regretté Grégoire et par Poncin. Il ne faut pas que cette fois un Belge repasse en tête et Woods sy emploiera à fond, donnant à ce moment de la course au moins, le maximum de ses possibilités.
A Burnenville, il est suivi de Demeuter et de Noir, nouvelle qui fait vibrer lassistance, mais au bout de la descente de Masta, Hunt est venu sintercaler entre eux trois.
Aux tribunes enfin, Woods toujours premier, fonce magistralement, ayant couvert ce premier tour en 6 m. 53 s. soit à la moyenne formidable pour un départ arrêté de 129,978 km/h ! Dix secondes déjà le séparent de Hunt.
Mais les Belges sont tout proches, salués au passage dun vibrant « Demeuter » et dun enthousiaste « Noir ». La performance de celui-ci, collé à Demeuter, émerveille tout le monde, de même que lavance des pilotes de F.N. sur tous les autres concurrents
Tacheny
Il en manque un, et cest Tacheny, qui quelques secondes auparavant la échappé belle. Jamais en son émouvante carrière le brillant pilote de F.N. na vu la mort daussi près. Chassant vigoureusement les « leaders », sur lesquels il a été un peu retardé, il sengage dans le virage où trois jours auparavant Grégoire tombait glorieusement
Un pli de terrain enlève sa moto
La roue dérape
Le pilote lutte cent mètres contre sa monture affolée et lancée dans un épouvantable shimmy qui râpe la route
Jeté enfin hors de sa machine, il va droit contre un mur darbres serrés, tandis que la moto culbutée poursuit sa trajectoire en quatre bonds de cinq à six mètres, labourant le « tarmac » à chaque contact avec le sol, et y creusant de fantasques sillons profonds de quatre centimètres et larges dautant.
Et Tacheny ? A langle où il aborde le rideau darbres, a-t-il cinquante centimètres pour passer ? Il ny a certainement pas plus, et pourtant, par miracle, il ne fait que frôler celui de droite, puis celui de gauche
Il rase encore sans le toucher un poteau de clôture, il saffale enfin dans une haie, et se relève indemne !
Son équipement est déchiqueté ; il a deux fortes coupures ; il est tout secoué, mais il se relève sans mal dune chute à quelque 150 à lheure dans le plus dangereux des endroits
Bravo Tacheny ! La moto, elle, est brisée en plusieurs places et son magnifique réservoir est tout à fait aplati.
Tacheny regagnera bientôt les tribunes en toute simplicité comme sil ne sétait rien passé.
La Croix-Rouge le panse et le réconforte et il gagne le stand F.N. pour y suivre
la marche de ses coéquipiers.
La course débute splendidement
Le spectacle est merveilleux. Si Woods est encore en tête au second tour, Hunt sen est fort rapproché, et Demeuter nest pas loin. Noir enfin est à quelques mètres
Tous quatre, groupés, virent magnifiquement dun seul trait à lEau Rouge. La course se disputera entre eux car ils auront presque disparu avant que Tyrell Smith (Rudge) ne survienne
Et Houtop, le plus brillant des autres, est déjà loin.
En dehors des deux Norton, des deux F.N., personne ninterviendra plus dans la lutte et raconter la course du reste des concurrents ce sera noter lordre des abandons, pendant que les quatre champions, séparés en tout par quelques centaines de mètres, poursuivent leur ronde emballée
Demeuter et Noir contre Hunt et Woods.
Quest devenue la troupe des quatre fuyards ? Ils sont encore tous les quatre et non seulement ils sont encore au complet mais ils sont presque ensemble, et leurs machines restent fraîches, et leurs virages splendides sont absolument égaux.
Woods a laissé passer Hunt dès le quatrième tour, mais leur écart ne variera guère et le public ne soccupera que de la distance entre Woods et Demeuter et de celle entre Demeuter et Noir.
Sil semble quà tel passage Noir a perdu du terrain, le tour suivant le revoit à quelques mètres de Demeuter. Celui-ci a dabord été à douze secondes du premier, mais au troisième tour il nest plus quà 10 secondes, au quatrième à cinq, et au cinquième tour à quatre secondes de Hunt. Le sixième tour le voit à sept secondes, le huitième à dix
et Noir laccompagne.
Comment dire la course de nos deux champions pendant ces dix premiers tours ? Comment rendre les impressions de leurs milliers de supporters au cours de cette splendide heure de course ?
Elle naura été quune succession de virages magnifiques, que la foule présente salue chaque fois dune clameur étourdissante ; de rapides lignes droites où des milliers de mouchoirs leur disent lenthousiasme des Belges, tandis que les continuels regards en arrière de Woods et de Hunt leur expriment létonnement des « « anglais de ne pouvoir les distancer.
Si Demeuter ou si Noir tardent quelque peu, ce sont 3, 4, 5 secondes dangoisse qui aboutissent à une explosion denthousiasme plus violente encore.
Et de passage en passage, denthousiasme en enthousiasme, nous voici au dixième tour et cest le moment des ravitaillements
La merveilleuse surprise
Hunt est alors en tête, ayant marché à 128 km. 700 à lheure. Woods est à trois secondes. Demeuter à 32. Noir à deux secondes de Demeuter. La moyenne des F.N. est de plus de 128 et comme le record du tour na pas été approché, cest là la plus régulière des performances, la vitesse ayant toujours dépassé 127 au tour
Successivement Hunt, Woods et Demeuter sarrêtent à leurs stands. Pour celui-ci les applaudissements crépitent et mille cris jaillissent.
Mais Noir ne sarrête pas. Sa moto la plus récente des trois F.N. est équipée dun réservoir de 26 litres. Cela lui permettra de ne ravitailler quune seule fois, quand tous les autres connaîtront deux arrêts
Cela lui permet de prendre la tête vigoureusement et de continuer très détaché. Le public applaudit à tout rompre. La joie est générale et pourtant chacun croit alors que cela ne durera quun tour, quil aura à se ravitailler au prochain passage, comme vient de la faire Demeuter, qui repart à quelques secondes des Anglais.
Le onzième tour est là et cest une surprise de voir Noir poursuivre sa route. Au douzième tour, il la poursuit encore. Son treizième passage est identique au précédent soit net, rapide et applaudi.
Woods qui a repris lavance sur son coéquipier et Hunt ont beau accélérer, se dépenser, batailler avec vigueur, ils ne gagnent guère que cinq secondes au tour sur Noir et ils ne peuvent distancer Demeuter
Plus encore que précédemment, Noir et Demeuter sont acclamés, surtout quau treizième passage, Noir reprend du terrain, ses écarts avec Woods ayant été de 33, 27 et 28 secondes. Il gagne une seconde encore au quatorzième tour et cest avec 19 secondes davance quil sarrête à son tour au stand de ravitaillement.
Mieux encore que précédemment, les Anglais auront été tenus en échec. Si leur effort décidé a su empêcher quun Belge repasse le premier aux tribunes, pour un tour, cest durant quatre tours maintenant et en pleine course, en pleine action quils ont été dominés
Cest plus beau quà Assen, plus beau même quà Dieppe et la foule le comprend si bien que sitôt Noir en vue, commence une acclamation formidable, qui se poursuit, nourrie durant les 34 secondes où le coureur effectue un ravitaillement très remarqué pour sa rapidité, son style et son aisance et qui redouble quand Noir repart à cinq secondes seulement des deux Anglais qui viennent de passer et qui laccompagnent encore dans sa montée vers lancienne douane.
La terrible malchance de Demeuter
Mais aussitôt on remarque le retard de Demeuter, puis son absence. Tandis que le public attendait avec intérêt sil passerait Noir au cours de son ravitaillement, la malchance qui si souvent sen prit aux couleurs belges durant la journée, privait léquipe nationale de son conducteur le plus désigné pour connaître le triomphe.
Demeuter prenait vivement pour la quatorzième fois le virage de Stavelot, quand il trouva dans son chemin Motomans et sa 175, qui barrait la route et pour léviter, fut forcé à la culbute. Le moteur battit tous ses records de régime durant les quelques fractions de seconde où le coureur fut désarçonné, mais la mécanique ne céda pas. Demeuter navait rien, il serait reparti à linstant, mais le guidon était cassé et il lui fallut revenir au ralenti, avec un demi guidon, prenant encore Collette au passage. Lovation qui lui fut réservée aux tribunes exprima au mieux avec quel cur les motocyclistes belges avaient suivi sa course enthousiasmante, comme quelques minutes auparavant linquiétude qui saisit la foule à lannonce de sa chute.
Par la pire malchance, F.N. perdait Demeuter après avoir perdu Tacheny qui était dans une forme sensationnelle. Par la pire malchance, Demeuter ne figurait pas triomphalement au tableau des temps à la mi-course
Hunt, en tête, et Woods, second, attaqueront ferme, effectivement, égalant au passage le record de Dodson et gagnant peu à peu sur Noir pour qui le public réserve néanmoins toujours ses faveurs.
Ce match durera six tours encore, suivi avec attention. Au vingtième passage, Hunt et Woods y vont de leur second ravitaillement, que, soucieux du danger, ils exécutent en un clin dil, mais rien ny fait. Noir dévale à fond de train, tandis que les Anglais repartent. A lEau Rouge, il est à quelques longueurs de Woods et il le passe après lancienne douane.
Voilà le vingtième tour, et la position est identique à celle du premier. Toutes les émotions, tous les efforts des tours précédents, des deux premières heures de la course, se trouvent neutralisés. Après trois cents kilomètres, Hunt, Noir et Woods, dans lordre, sont distants de cent mètres.
Le drame
Les Anglais donnent plus fort encore maintenant. Tous deux culbutent au passage le précédent record du tour, mais en dépit de leur effort, Noir ne les quitte guère, prêt à passer à la moindre défaillance. Au 21e tour, il na que dix secondes de retard, au 22e il nen a que onze, au 23e il nen a encore que douze. Si Noir nest pas victime de la malchance, cest à moins dune demi-minute du vainqueur quil terminera la course. Une demi-minute en 420 kilomètres !
Cette énumération de secondes : dix, onze, douze.. est beaucoup trop sèche dailleurs pour exprimer la physionomie de cette partie de la course
Il faudrait dire tous les virages de Noir, toujours aussi nets et aussi beaux
Il faudrait dire tous les applaudissements des foules massées aux trois coins du circuit
Il faudrait raconter leurs attentes de sept minutes entre chaque passage, attentes anxieuses ou confiantes, mais tout occupées dun seul homme : Noir.
Et voilà le vingt-quatrième tour : Hunt qui passe à fond de train, Woods qui, à quelques longueurs, le suit comme son ombre
Tous deux sont violemment secoués sur leur selle au passage devant les stands. Maintenant ce sera Noir mais il tarde
il tarde
Il faut bien se rendre à lévidence quil nest plus ici.
Quest-il arrivé à Noir ? Certainement lépisode le plus émouvant de sa vie de coureur, et pour la F.N. une troisième malchance désastreuse après la chute de Tacheny et labandon de Demeuter dont la moto allait particulièrement bien.
Noir, la troisième victime du sort, roulait à pleins gaz fonçant derrière les Anglais qui le précédaient de quelques centaines de mètres quand surgit un chien qui a échappé à lattention de quelque spectateur. Inattention vraiment criminelle. Le chien qui na pas bougé au passage de Hunt et Woods se jette maintenant sur la moto de Noir, lancé à fond et heurte de côté la roue avant. Cest, pour le coureur, le début de quelques effroyables secondes. La moto, secouée, va de droite à gauche brutalement. La machine nest plus quune feuille morte poussée par le vent
Mais Noir sagrippe, redresse enfin, arrête lengin sans tomber.
Quels instants durent être ceux-là, pour celui qui en fut lacteur ! Une telle émotion est indicible. !
Mais pour un coureur, rien ne compte que la course.
Sitôt arrêté, Noir examine sa machine.
Il constate quelle est fort démolie. Un rayon sur deux de la roue avant a cassé et se tortille autour des autres. La jante est faussée et la fourche de travers. Un des ressorts compensateurs est cassé. Le repose-pied de droite est complètement retourné et le pire, le levier de vitesse a été cassé net par le corps du chien, laissant la moto en prise.
Si lattente de Noir à ce vingt-quatrième tour fut pour la foule un quatrième instant émouvant (comme on nen avait jamais vu quun auparavant en un Grand Prix) que dut être pour Noir, le moment où il essaya de repartir
Par bonheur il y réussit. Par bonheur la machine nétait pas trop faussée pour permettre à un virtuose de continuer.
Quatre tours durant il poursuivit sa marche courageuse ne disposant plus que de la prise prenant tous les virages au débrayage et sagrippant au guidon pour maintenir au maximum de ses possibilités la machine qui avance par soubresauts.
Le public ne sait rien mais à lattitude du coureur, au bruit du moteur, il devine le drame
Cest avec émotion quon attend maintenant que Noir repasse encore une fois
Hunt et Woods ont beau multiplier les passages rapides, on ne leur porte quun minimum dattention, car chacun est déçu de voir que Woods ne tente rien pour défendre sa chance, comédie mal jouée qui ne trompe personne. Tandis que chaque fois que le Belge passe ayant perdu quelques minutes à chaque fois, tout le monde se sent un peu soulagé.
Et puis cest la fin la plus émouvante et la plus étonnante que vit jamais Francorchamps. Tous sont arrivés, tous les vainqueurs sont là depuis longtemps. Le Grand Prix est fini ! Mais tout le long du circuit, mais aux tribunes, mais nulle part personne ne sen va ! Le garage reste silencieux car toute la foule a gardé sa place. Toute la foule attend Noir.
Quelle fut fébrile cette surveillance par tous les yeux de lhorloge. Englebert
Les minutes passaient, lheure de la clôture approchait. Le circuit restait désert ... Quelques minutes encore ! Il nen reste que quatre à Noir pour arriver dans les délais
... Et à ce moment même résonne le chant de son moteur. Cest comme un chant de triomphe. Tous se lèvent haletants et émus. Et quand Noir apparaît, arrêté au passage par M. Marcellis, sélève la clameur la plus ample quentendirent jamais les échos de Francorchamps. Des milliers de mains battent, des milliers de bouches acclament. Et tous courent au pilote qui sarrête exactement à son stand.
Il ny a pas à décrire les minutes suivantes. Elles furent inoubliables. En applaudissant Noir chacun applaudissait et la marque F.N. et son équipe et le splendide effort des Belges. Lacclamation ne sarrêtait pas. A la façon dont elle redouble par instant à un concert, elle redoublait chaque fois que Noir passait devant un nouveau groupe. La foule éperdue denthousiasme laccompagnait partout
Quant à sa machine, on sécrasait pour la voir. Le groupe dense qui tentait den approcher occupait la bonne moitié de la largeur de la route ! Que cest beau lenthousiasme des foules !
Noublions pas lovation que Noir reçut encore en revenant à lHôtel de la Source. Jamais, pensons-nous un coureur ne fut aussi bien récompensé dune course splendide, dart et puis de courage.