De toutes ses années de compétition, on comprend mieux pourquoi Jules Tacheny a gardé de 1934 un souvenir très émouvant.
Emouvant tout dabord parce quaprès son recrutement et les Records du Monde à Monthléry, ce fut sa plus grande « année F.N », celle qui lui donna ses premières grandes victoires : premier à Chimay et, surtout, un premier titre de Champion de Belgique à Francorchamps.
Emouvant aussi, parce quaprès tant defforts et de développements, cest lannée où toute léquipe F.N. a pu savourer la magie et livresse de la victoire.
Et quelles victoires !
Tout dabord, Mettet, Chimay, Floreffe et Francorchamps : les quatre courses belges les plus importantes, courues lune à la suite de lautre avec, pour chacune, la victoire.
Mais aussi, Assen en Hollande et Chemnitz en Allemagne, qui toutes deux, consacraient la réputation des motos belges, seules capables de rivaliser avec les meilleures motos du monde.
Emouvant ensuite, car en perdant de façon aussi tragique et inacceptable les deux figures les plus rayonnantes de son équipe, Jules Tacheny avait compris que la F.N. ne serait plus jamais comme avant ; que lesprit de conquête qui animait léquipe de Van Hout, avait atteint ses limites. Le Directeur Général de la F.N., Monsieur Joassart, avait été personnellement très affecté de cette tragédie. Cela ne serait pas sans conséquence sur la volonté de la F.N. de continuer à investir indéfiniment dans la course.
Emouvant enfin, car à force de voir disparaître autant damis, tués par la vitesse, par le manque de sécurité, tout homme, même sil est animé par le démon de la compétition, finit par se poser des questions. Car après tout, est-ce cela la compétition ? Ramener de nuit, les corps de deux pilotes et leurs motos dans un fourgon ?
Et si cétait son tour, à lui maintenant ? Et si la chance, qui laccompagnait comme elle avait accompagné Noir et Demeuter auparavant, lui faisait aussi faux bond ?
Que dimages ont dû traverser la tête de Tacheny et de Milhoux le soir du Grand Prix de Francorchamps ? Ils avaient à peine 27 ans.
Et ces accidents ? Etaient-ils évitables ?
Des années après, Tacheny reconnaissait que leur cause était similaire et malheureusement bien connue de tous.
« Suite à limportant allégement des hauts moteurs, on pouvait beaucoup plus incliner les machines. Or, les cadres nétaient pas prévus pour cela. Trop larges et trop bas, ils venaient littéralement se planter dans le sol, en particulier lors de freinages appuyés sur langle. Tout le monde était conscient du problème mais personne nosait en parler. Au moment de laccident de Chemnitz, dautres cadres passant sous le moteur étaient en préparation, mais cétait trop tard, le « mal était fait » et malgré ma combativité qui était restée intacte, je savais que la F.N. nirait pas au-delà de ce quelle avait fait. »
En outre, les machines produites à Herstal étaient fabriquées par des fondeurs, des spécialistes des moteurs. Sur le plan de la partie cycle, ni F.N., ni Saroléa nont véritablement investi. Et on peut dailleurs se demander pourquoi. Tout au plus, F.N. fera-t-elle quelques développements avec sa fourche révolutionnaire appelée « roue tirée ». Mais cette solution, ne sera jamais efficace et sera rapidement abandonnée.
Quand, quelques années plus tard, les BMW et autres Moto Guzzi arriveront avec des motos équipées de suspensions arrières, tant la tenue de route que surtout, les vitesses de passage en courbe samélioreront très nettement. Les F.N. et les Saroléa avaient beau être rapide, elles étaient progressivement larguées sur le plan du confort et de lefficacité.