Le 8 mai 1930 - il vient à peine de fêter ses 23 ans - Jules va croiser la grande faucheuse. En route vers Charleroi, au passage à niveau de Marcinelle, alors qu’il ne roule qu’à 25 km/h, sa moto glisse sur les rails et se dérobe. Il se fracasse la tête sur la bordure. On le relève inconscient. Il est dans le coma.

On craint une fracture du crâne... le plus souvent mortelle à cette époque.

Emmené en ambulance à la clinique Sainte Elisabeth, il doit y subir une trépanation. L’opération est délicate. Jules divague. Le pronostic est réservé.

Dans son lit, le blessé réclame sa nouvelle moto qu’il a commandée et qui l’attend au port d’Anvers – une AJS 350 en provenance d’Angleterre.

Emile, croyant sans doute accéder à la dernière volonté de son fils, va chercher l’engin. De retour à Charleroi, il réquisitionne quelques amis et monte la moto dans la chambre d’hôpital. Par l’escalier !!

Parents, amis et même personnel de l’institution, tous resterons persuadés que c’est la vue permanente de sa moto en face de son lit qui a sauvé Jules.


Extrait d’un article paru dans le bulletin de la FMB, en Mai 1930
« Les quelques membres du Club qui s'étaient donnés rendez-vous au local vers 1h15 en ont profité pour aller voir le camarade Jules Tacheny qui fut victime, le jeudi 8 courant, d'un accident de moto au passage à niveau de Marcinelle.

Nous tenons à rassurer tous les membres du club au sujet de son état. La blessure, qu'on croyait tout d'abord mortelle (il était question de fracture du crâne), se borne à une fêlure du crâne, blessure très sérieuse mais qui ne met pas ses jours en danger.

Ceux des membres qui lui ont rendu visite dimanche l'ont trouvé en bonne voie de guérison. Nous lui souhaitons de tout coeur qu'il soit parmi nous dimanche prochain.

Afin de faire cesser tous les bruits qui circulent à l'occasion de son accident, nous pouvons certifier qu'il est dû, non pas à la trop grande vitesse (des témoins de l'accident nous ont assurés qu'il ne roulait pas à plus de 25 km à l'heure), mais à la difficulté du passage à niveau, ce qui, soit dit en passant, est honteux pour une route aussi fréquentée.

Espérons que tout ira bien et que prochainement nous le reverrons s'aligner avec sa toute nouvelle A. J. S. pour défendre les couleurs de notre club. »

Quelques semaines plus tard, il est en tous cas de retour sur les circuits et à nouveau au départ de toutes les compétitions. Courses de côte, kilomètre lancé, courses sur circuit – ses préférées, les « vraies », celles qui permettent de se mesurer aux autres.

Jules est partout, presque chaque fois gagnant. Toujours plus rapide.
Sa réputation se forge. « Il prend les virages comme personne n’ose le faire. » « Il se penche follement sur une moto qui ne cesse de galoper. » Le long des circuits, les spectateurs lui font signe de ralentir…

Le club lance un appel dans les journaux locaux pour aller applaudir Tacheny, Brachotte, et Grégoire à Sorinnes. Il félicite Tacheny, son coureur, qui, à ses deux premières courses, se classe 1er en Senior 350cc, (à la course de côte de Tamines) et 1er, même catégorie (au kilomètre lancé à Marche).

Véritable porte drapeau du Club de l’Union Motor, Jules Tacheny en est également déjà un grand animateur. Au banquet annuel, il se voit attribuer la coupe du meilleur « recruteur » de nouveaux membres.

Audacieux, Jules a aussi retenu la leçon de son père et ouvre son premier garage. Si les courses lui rapportent des coupes et quelques primes bienvenues, il ne vit pas encore de sa passion et cet atelier – qui sert aussi à préparer ses propres machines – lui assure de gagner sa vie.